Gaspard, El Salvador

Une aide aux devoirs pour un autre regard

Gaspard nous raconte comment il a découvert chez Augustín “tout le bien dont il est capable” malgré sa souffrance et sa violence apparentes…

Il y a également Agustín. Ce jeune de onze ans est la source de la plupart de nos débats. Meurtri par son cadre familial chaotique, sa mère étant en prison depuis cinq mois pour des problèmes de gangs, il exprime sa souffrance et sa colère par la violence envers les objets et les personnes. Quand il entre au Punto, il casse tout, moleste les autres enfants, vole, crie… Mais il cache surtout un besoin d’amour et de tendresse. Sur sept mois de mission, il est un jour qui vaut tous les autres, tous nos efforts pour le rencontrer, qui nous rappelle qui il est réellement. Et cet événement, je l’ai vécu il y a peu, il m’a fait prendre conscience de toute sa soif d’amour malgré la façade qu’il nous montre.

Un matin, Agustín toque à la porte, demandant de l’aide pour faire ses devoirs. Dans un premier temps, j’ignore son appel, espérant qu’un autre va y répondre. J’ai des choses à faire, un plan de matinée dont il ne fait pas partie. Puis, pris de conscience, j’abandonne tout et l’accueille, me disant que si je ne le fais pas, personne ne va le faire. Nous commençons donc à faire ses devoirs de géométrie (basique). Je reste un peu sur la défensive, car je sais qu’à tout moment il peut exploser, mais je refuse de l’abandonner. Nous irons jusqu’au bout, 1h30 de devoirs ! Sa concentration est incroyable, malgré quelques moments de détente. Je pense déjà voir un miracle. Et comme s’il prenait conscience de son changement de caractère, il fait un geste comme pour m’étrangler. Choqué par ce geste, je le reprends, nous parlons quelques minutes de ses excès de violence. Je lui dis que nous n’accepterons jamais cela.

Peu après, Fernandito approche, Agustín fait d’abord un geste agressif puis lui ouvre les bras. Sans aucune hésitation, Fernando accepte cet amour gratuit. Par deux fois Agustín fait ce mouvement. C’est une révélation pour moi, Agustín a cons- conscience du bien qu’il peut donner et s’il le donne, d’autres sont prêts à le recevoir. A la fin, Agustín me remercie, me dit qu’il ne veut pas que je parte et, pour la première fois en six mois, me fait un abrazo (accolade). Je ne ressens aucune crainte d’attaque, je ne me mets pas non plus sur la défensive de peur d’une morsure comme c’est souvent le cas. Cet événement change toute ma relation avec ce jeune. Je sais maintenant tout le bien dont il est capable, il suffit de me le rappeler quand il nous montre le pire.