Béatrice, Costa Rica, 15 mars 2020

Samedi, mon papa va venir me chercher

Béatrice nous présente July, abandonnée dès sa naissance, qui découvre avec joie que “quelqu’un est venu à sa rencontre pour l’aimer réellement”…

Alors que les élèves reprennent le chemin de l’école en cette nouvelle année, nous aussi prenons de nouveaux chemins. Depuis le mois de février, nous avons deux nouveaux apostolats. En premier lieu, nous allons chaque jeudi matin dans le collège de Tirrases, pour accompagner une cinquantaine de jeunes entre treize et dix-huit ans, qui ont souvent bien du mal à trouver la porte d’entrée du collège. L’idée est très simple, les sortir un peu de leur réalité, la pratique est un peu plus compliquée ! En second lieu, nous allons chaque samedi matin rendre visite à une douzaine de jeunes entre dix-huit et vingt-trois ans, atteints d’handicaps mentaux et moteurs plus ou moins prononcés. Ce sont des jeunes abandonnés ou retirés de leurs familles depuis leurs naissances et confiés au PANI (Protection sociale de l’enfance). Cette maison propose un toit une fois les dix- huit ans passés, lorsqu’ils doivent s’en aller du PANI. Nous avons découvert l’existence de cette maison par le biais d’une amie.

Un mardi après-midi, Agnès, Mathilde et moi-même avons décidé de nous y rendre, sans vraiment savoir ce qui nous y attendait, mais impatientes de découvrir cet endroit. Une fois arrivées devant, nous nous sommes armées de courage pour parler au dueño (propriétaire), espérant que l’argument d’une présence gratuite le convaincrait ! Encore une fois, Dieu nous ouvre bien des portes. Après une brève discussion, le dueño apparemment convaincu, nous demande si l’on veut commencer tout de suite. Ni une, ni deux,… nous voilà entourées d’une dizaine de jeunes, tous plus attachants les uns que les autres. Nous avons passé l’après-midi à rire, à jouer à llego carta (variante du 1, 2, 3 soleils et grand classique dans les cours de récréations !) Au moment de s’en aller, chacun nous a serrées bien fort dans les bras, s’assurant que nous reviendrons bien le prochain samedi.

Le samedi suivant, à peine avions-nous dépassé le coin de la rue, qu’ils étaient tous sur le pas de la porte, prêts à nous laisser entrer. En arrivant ce jour-là, July, l’une d’elle, m’a regardée et m’a dit : « On est samedi et vous êtes revenues », avec de grands yeux émerveillés. Vous vous souvenez peut-être de Pépinot dans le film, les Choristes, qui attend chaque samedi son papa à l’entrée du collège, et sa joie lorsque Monsieur Matthieu (le pion) redescend du bus, un samedi, pour lui dire de le suivre ? Eh bien, ce samedi-là, j’ai eu l’impression de rencontrer Pépinot. Ces enfants sont abandonnés et personne ne leur rend visite. Je vous laisse donc imaginer la joie de Pépinot et la transférer sur le visage de July, lorsqu’elle nous a vues arriver ce fameux samedi.

Chaque samedi, nous sommes accueillies avec ce même amour et cette même spontanéité. Cette maison m’apaise profondément, j’y laisse à l’entrée problèmes et préoccupations et me laisse habiter par cette joie et simplicité qui décrivent ces jeunes. Je me demande parfois qui, d’entre July et moi, représente le mieux Pépinot, lorsqu’il voit qu’un samedi, quelqu’un est venu à sa rencontre pour l’aimer réellement.