Ségolène, Chili

Sandra

Ségolène nous partage cette rencontre avec Sandra qui raconte sa joie à l’idée de renouer avec les volontaires du Point-Cœur.

Le mois de janvier a été bien animé (d’où le retard dans l’écriture de ma lettre), notamment par le passage d’anciens volontaires. Ce fut pour moi l’occasion de rencontrer plusieurs « nouveaux » amis, avec qui le lien s’est perdu à cause de la quarantaine. Au-delà de la joie de recevoir de nouveau la visite du Point-Cœur, je ne me lassais pas d’admirer l’étonnement de ceux qui reconnaissent, dès le premier regard, le visage de Louis qui était en mission dans le quartier il y a douze ans.

Parmi eux, j’ai pu rencontrer Sandra. Je l’ai rencontrée très récemment et ai encore beaucoup à découvrir d’elle, mais je voudrais tout de même vous parler de la once qu’elle est venue partager avec nous et du témoignage qu’elle nous a donné. Ce fut, pour moi, une vraie lumière sur le sens de notre mission. Les premiers volontaires l’ont rencontrée en visitant la prison il y a douze ans. De visites en visites, l’amitié s’est tissée. « Personne ne venait me rendre visite, je n’ai pas de famille. Alors, pour moi, le vendredi, c’était le jour différent des autres, celui des visites : les filles du Point-Cœur et la pastorale. Eux, je les protégeais dans notre univers de brutes. Ils étaient les seuls qui n’étaient pas là pour me frapper comme les policières ou pour m’humilier comme les autres filles de la prison. Elles venaient du bout du monde pour faire un jeu, pour discuter, pour partager un goûter. Elles ne voulaient rien d’autre que s’intéresser à moi. » En sortant de la prison, cette amitié a demeuré bien vivante et Sandra est venue régulièrement au Point-Cœur. « C’est le seul endroit où je pouvais me confier, me décharger de ma souffrance et pleurer. Dans la prison, dans la rue, on n’a pas le droit de montrer ses faiblesses, sans quoi les loups nous dévorent immédiatement. Ici, c’est le lieu où je peux me laisser aller. »

Lors de la once, elle nous racontait comment cette amitié lui avait rendue sa dignité. « Avant, je ne regardais personne dans les yeux, je restais là, assise en silence, je baissais la tête et je mangeais mon pancito. Mais progressivement, grâce à eux, j’ai compris que je n’étais pas un animal, que ce n’était pas parce que je vivais dans la rue et que je venais de la prison que je n’étais pas une personne et que je n’étais pas digne de regarder les autres dans les yeux. » De fait, aujourd’hui, c’est les yeux dans les yeux qu’elle maintient la conversation, qu’elle s’intéresse à la vie de tous les anciens volontaires qu’elle a connus, qu’elle nous parle de la prison, de son expérience de travail en en sortant, des nuits passées à dormir sur les bancs de l’hôpital pour ne pas être dans la rue.

Les yeux dans les yeux, sans cacher ses larmes, elle nous parle de sa souffrance, de la dureté de sa vie. Et, les yeux dans les yeux, plein de rires, elle parle des souvenirs avec le Point-Cœur. Ce qui m’a le plus surprise est sa joie en parlant des anciens volontaires et son désir de savoir ce qu’ils étaient devenus. Sans amertume en comparaison à sa propre vie, à sa « bicoque » construite de matelas et de couvertures, elle écoute Angelo nous parler de son voyage aux Etats-Unis, elle s’émerveille du mariage de Lance, elle raconte, en riant, le souvenir du pèlerinage au Sanctuaire de Lo Vasquez.