Pourquoi suis-je ici, si je ne peux rien changer
Ania, en mission en Argentine, partage sa rencontre avec Osvaldo. Une réponse humble à cette question qui taraude chaque volontaire : Pourquoi suis-je ici, si je ne peux rien changer dans la vie des personnes que nous rencontrons ?
Osvaldo est l’une des premières personnes que j’ai rencontrées à mon arrivée. Il y a quelque temps, il était voleur professionnel et a passé de nombreuses années en prison. Une fois sorti, il a vécu environ deux ans dans la rue, abandonné par sa famille. À un certain moment, il a arrêté de voler et a commencé à reconstruire, petit à petit, sa maison et sa vie. Malheureusement son histoire a pris une autre direction. Osvaldo est très malade et sans force. Il vit dans un espace minuscule avec sa petite-fille et ses cinq enfants, dans des conditions invivables. Sa maison est construite en contrebas et l’eau s’infiltre souvent dans le sol, inondant tout, il n’a plus la force de l’entretenir. Les visites chez Osvaldo sont pour moi les plus difficiles. Non seulement parce que son état de santé et celui de sa maison me donnent envie de m’enfuir, mais aussi parce que je me sens impuissante face à son visage souffrant. Nous ne pouvons pas faire grand-chose, si ce n’est lui faire chauffer de l’eau pour son thé. Quel paradoxe que ce soit justement lui que je ressente le besoin de visiter plus que les autres. Dans son visage marqué par la souffrance, il y a quelque chose de beau, de serein, presque attirant. La dernière fois, je suis allée lui rendre visite avec Matei et Augustin. Osvaldo nous a demandé de lui ouvrir une boîte de thon, en prenant n’importe quel plat. J’ai regardé autour de moi et toutes les assiettes que j’ai vues étaient d’une saleté inimaginable. Augustin en a pris une, a fait bouillir de l’eau, l’a nettoyée et désinfectée. C’était probablement la seule chose propre dans cet endroit. Il y a mis le thon avec soin, comme pour former un cercle parfait. Il a donné à manger à cet homme dans une assiette propre, lui rendant ainsi sa dignité. Les visites chez Osvaldo me rappellent que notre passé, notre condition de vie ou notre état de santé n’ont aucune importance. Dieu se laisse rencontrer et connaître en chacun et partout, même dans les endroits où, aux yeux des hommes, Dieu n’existe pas. De plus, elles m’apprennent à faire les choses bien et avec soin, à faire les choses ordinaires avec amour, là où il serait plus naturel de renoncer à tout engagement.