Lucile, Honduras

Oublier son propre temps

En voyant la soif toujours grandissante de présence et d’amitié d’Alejandro, Axel et Jacob, Lucile apprend à se laisser surprendre et à se donner toujours non selon sa mesure et sa volonté mais selon leurs besoins.

Depuis quelques semaines, trois enfants, trois frères viennent tous les jours plusieurs fois par jour. Hier, ils étaient à 6h50 du matin à l’entrée, nous appelant. On leur ouvre toujours la porte et on joue avec eux. Heureusement, ils sont enchantés de nous aider à faire le ménage, nettoyer les toilettes, passer le balai dans la cour. Donc, on les fait parfois travailler. Grâce à eux et à quelques remontrances de ma communauté, j’apprends à oublier mon temps, mes affaires, mon planning de la journée, ma fatigue. Ils appellent au portail, j’essaie de tout laisser pour aller leur ouvrir. J’apprends à me donner toujours plus, non pas quand je veux bien mais dès que l’on m’appelle. D’autant plus qu’ils sont très jeunes : trois, cinq et dix ans. On ne peut pas les laisser seuls une minute, ou bien ils crient nos noms toutes les cinq secondes jusqu’à ce que l’on soit à côté d’eux. Ils exigent beaucoup de nous mais ils sont si beaux !

Ce qu’on leur donne, ces enfants le rendent. On sait qu’ils sont des enfants terribles, à qui on a peut-être déjà appris à voler. Mais on peut être maintenant exigeant avec eux. On peut les punir sévèrement, si c’est juste, ils le comprennent et l’acceptent sans les crises que nous offrent les autres enfants avec qui nous passons moins de temps. Passer du temps avec eux, leur donner notre attention, les apaisent. Ils sont plus posés, plus calmes, ils se portent (presque) bien. On les voit évoluer au fil de temps. On sent la relation s’approfondir. Petit à petit, on les voit nous regarder comme des maîtres à suivre. Ils se sentent en confiance. Le plus petit, les premiers jours, ne parlait pas, parfois répétait ce que disait le plus grand. Maintenant, on l’entend également nous appeler, il papote avec nous et nous chante parfois la sérénade. C’est beau de les voir grandir ainsi, nous regarder, nous suivre, entrer avec nous dans la chapelle, venir parfois uniquement pour le chapelet.