Le mendiant théologien
Alors qu’il commence tout juste sa mission et ne baragouine que quelques mots d’espagnol, David nous partage son étonnante rencontre avec Gamallel, un mendiant de la manne terrestre aussi bien que céleste.
Le samedi, nous allons au centre ville rencontrer nos amis vénézuéliens qui mendient dans la rue et jouer avec les enfants. Nous interpelle alors, auprès de la cathédrale, Gamallel, un vieil homme au visage profondément marqué par la vie, assis par terre, plaisantant dans un espagnol que je comprends péniblement. Nous parlons de la France et de l’Equateur.
Puis le mendiant se fait théologien : « Nous sommes tous des touristes sur terre, puisque notre patrie est là-haut ». Son regard est espiègle, derrière les rides, et son sourire narquois, parsemé de quelques dents. Mais son humour un peu railleur n’est-il pas un voile pudique qui recouvre une expérience de la réalité très profonde ainsi qu’une souffrance secrète ? « A la différence de vous, nous autres sommes des pécheurs, nous sommes pleins de péchés. Dieu nous a abandonnés, il ne nous aime pas ». Même si j’avais su quoi répondre, je n’aurais pas trouvé les mots en espagnol. « Pourtant, continue-t-il, Dieu jugera avec justice, pas comme les hommes, pas selon l’apparence. Nous avons son amour dans nos cœurs. Notre vocation est de devenir ses fils adoptifs… »
Etonnante rencontre avec ce Marmeladov équatorien. Cet homme installé, malgré lui, par les nécessités de la vie dans la précarité de l’existence ne peut que mendier chaque instant l’éternité. L’injustice de la vie n’est pas différente ici qu’ailleurs, mais Gamallel m’enseigne à la contempler dans un regard de foi.