Le gardien du sens du beau
Hugues nous fait part de sa rencontre avec Laï, ami qui garde le sens du beau, même au beau milieu de la décharge de Mbeubeuss.
Nous sommes allés ce mercredi avec Mara et notre amie Dié à la décharge de Mbeubeuss. Depuis de nombreuses années, le Point-Cœur s’y rend chaque semaine pour passer du temps et discuter avec des amis durant leurs pauses. Mbeubeuss est une poubelle à ciel ouvert où travaillent tous les jours adultes et enfants à la récupération de déchets qu’ils trient méthodiquement avant de revendre de grands filets remplis de plastique, métal ou bois pouvant être recyclés. Ce qui ne peut l’être, s’entasse progressivement, s’envole, ou bien est brûlé. Certaines personnes habitent sur place, d’autres dans les villages alentour.
Cette semaine, nous y avons entre autres retrouvé notre ami Laï. C’est au cours de ma deuxième visite là-bas, le mercredi 8 décembre, jour de mon anniversaire, que je fis sa rencontre. Laï travaille au fond de la décharge là où les camions déversent les poubelles. Cet après-midi-là, par chance, il ne travaillait pas. Nous l’avions trouvé chez lui avec sa femme Nadja. Elle était très malade, ne sortit pas du lit et toussait gravement. Nous étions Laï, Martha et moi assis dehors au soleil à côté de la cabane conjugale. Laï était tout sourire, heureux de voir Points-Cœur et de pouvoir parler. Il parla de son père et de leur relation, du décès de ce dernier. Laï nous raconta qu’il avait été un « bandit », qu’il avait eu des problèmes avec l’alcool auparavant. Son père est décédé et lui ne veut plus boire ni ne commettre aucun mal. Laï mène désormais une vie simple, au jour le jour, mais difficile au quotidien. Sans être forcément dans le noir repentir, ou bien tout simplement à faire pénitence, Laï mène la vie la plus droite possible. Il élève son âme, en désirant le beau, dévoilant la beauté, dans cet univers morne à l’horizon plombé.
Alors que nous étions tous les trois au soleil, Laï assemblait des fleurs pour en faire un bouquet, peint un tronc en plastique pour y mettre les fleurs. Racontant ses regrets, il évoquait son spleen. Des fleurs simples mais belles, c’était son idéal. Déchets jonchant le sol et vieux draps poussiéreux, c’était le paysage ; le bouquet le détail. Dans cet univers morne à l’horizon plombé, Laï avait humblement fait surgir la beauté.