Anouck, Sénégal

Gratitude au seuil de la vie

Anouck nous introduit dans son amitié avec Christine, dans l’épreuve de la maladie qu’elle a de s’en aller définitivement.

Christine était une de nos nouvelles voisines avec qui nous avions rapidement sympathisé. Cette femme d’une quarantaine d’années et son mari, un pasteur protestant congolais, avaient beaucoup fréquenté des milieux missionnaires américains avant connaître un très gros déclassement social. Ils avaient rencontré de très grosses difficultés financières et logeaient désormais dans une petite chambre dans notre quartier qu’ils ne connaissaient pas. Malgré leur solitude qu’elle nous avait rapidement partagé, cette femme était très joyeuse, positive et on sentait, à son contact, qu’elle aimait la vie.

Alors qu’elle semblait en bonne santé, elle a découvert au mois de mai qu’elle était diabétique par une plaie au pied qui refusait de cicatriser. Je me suis rendue compte à ce moment que cette maladie faisait beaucoup de ravages au Sénégal, à cause, notamment, du taux de sucre présent dans le riz qu’ils mangent tous les jours. En quelques semaines, l’infection a progressé et elle s’est vite retrouvée très affaiblie. L’accès aux soins au Sénégal étant très limité, très cher et l’état des hôpitaux assez catastrophique, elle n’arrivait pas à se faire soigner.

Lors de ma dernière visite chez elle, nous l’avons trouvée épuisée et très souffrante. Elle nous a raconté l’échec de leur parcours du combattant qui les menait d’hôpital en hôpital et qui l’avait épuisée. C’était la première fois que je voyais une Sénégalaise partager aussi directement sa souffrance, nous appeler ses vrais amis par notre simple présence à ses côtés et oser verser des larmes devant nous (c’est assez mal vu au Sénégal de pleurer devant d’autres personnes).

Mais ce qui m’a le plus marquée lors de cette visite, c’est qu’après nous avoir partagé franchement combien elle souffrait, elle nous a dit combien Dieu était bon avec elle et avait répondu à ses prières. Un jour où elle avait crié vers lui après avoir reçu une très mauvaise nouvelle, elle avait reçu un appel d’une association inconnue de médecins américains qui lui avait proposé de la soigner et qui, depuis lors, venait chaque jour chez elle pour laver ses plaies. Une drôle de coïncidence qu’elle reconnaissait clairement être un petit geste d’amour de Dieu pour elle.

J’ai été impressionnée par sa capacité, que j’ai retrouvée chez de nombreux Sénégalais, à voir l’action de Dieu dans sa vie, quelles que soient les circonstances. Une semaine après, nous avons appris son décès, la maladie et l’épuisement l’avait emporté en seulement deux mois. En repensant à notre dernière visite, je me suis rendue compte du petit trésor qu’elle nous avait laissé avant de partir, sans vraiment s’en apercevoir, en nous partageant le regard de foi qu’elle portait sur sa vie.