Une jeunesse sans âge

Il est l’un de nos amis les plus âgés. Ce grand-père de quatre-vingt-neuf ans vit dans une misère bien visible. Il est l’ami de Points-Cœur depuis bien des années, nous nous occupons de chercher ses médicaments tous les mois et passons chaque semaine pour les lui distribuer petit à petit. En effet, il a un cœur fragile car trop volumineux, l’équivalent de deux cœurs !

Il vit presque exclusivement de la charité. Bien connu de la colonia, ses voisins l’aident pour laver ses vêtements, lui offre de la nourriture. Quand l’un fait des réparations sur sa maison, il en profite pour réparer également celle de José Luis. Quand nous le visitons, il semble bien souvent tranquille et calme. Et pourtant, il a tant à dire certains jours. Il nous transmet toute la frustration et la fragilité de terminer sa vie seul, sa femme étant décédée depuis près de dix ans et ses filles l’ayant abandonné. Sans argent, bien qu’il ait travaillé toute sa vie en exerçant bien des métiers (principalement charpentier). Il a toujours une histoire à raconter, pas toujours compréhensible, mais la parole lui libère l’esprit et chasse ses idées sombres.

Par ailleurs, il est parfois impressionnant, un jour nous le voyons très mal, ne pouvant manger, on pressent la fin… Et, la semaine suivante, nous le voyons faire ses courses à la Tiendona (plus grand marché du Salvador), nous demandant comment il a pu parcourir le kilomètre de chemin à pied.

Il n’a pas l’âge qu’il dit et il ne fait pas l’âge qu’il a ! Certains jours, il nous dit qu’il a quatre-vingt-dix ans, d’autres, soixante-dix. Son âge fluctue avec son état d’esprit et sa motivation. La jeunesse n’est pas une question d’années. Certaines visites, il déborde d’énergie, d’autres nous hésitons à appeler un prêtre. Et, en réalité, il est amusant de voir que, sur son acte de naissance, la date est approximative de plus ou moins deux mois.