Gaëtane, Roumanie

Seulement Dieu

Gaëtane nous parle de la détresse de Maria, de sa solitude et de son désespoir derrière lequel s’immisce ce petit brin d’espérance.

Maria est une femme qui habite les quelques maisons qui forment le quartier de Bejan que nous visitons régulièrement. Un quartier tsigane situé au bout de la ville, dans le début des plaines. Les quelques chevaux, les porcs, et les poules rendent l’atmosphère du quartier plutôt animée. Le petit chemin de terre nous mène tout en haut vers ces petites maisons posées les unes à la suite des autres. Les enfants nous voient arriver du bout du chemin, même la chaleur ne les arrête pas pour venir se plonger dans nos bras. C’est cette première maison dont les fondations ont été construites, les quelques briques maladroitement montées et le béton coulé qui constituent le lieu où Maria habite. Maria elle est pauvre de tout. Son regard est un appel au secours. Sa vie est un échec à ses yeux. Elle titube toute la journée. Elle fait face aux coups de son mari, aux comportements irrespectueux des enfants du quartier. Elle ne vaut plus rien pour plus personne autour d’elle parce qu’elle n’a pas pu s’occuper de ses six enfants. Elle a noyé son désespoir et sa tristesse dans l’alcool.

Quand je suis là avec elle, adossée à cette pierre, à quelques mètres seulement des porcs domestiques qui partagent leur jardin boueux, je sens sa solitude, elle m’inonde et me saisit d’un haut le cœur interminable. Elle me prend la main, me pose les mêmes questions en boucle. Elle ne fait que me parler de ses six enfants qu’elle n’a pas pu éduquer. Elle me regarde, elle ne dit rien, elle me partage ce vide intérieur qui l’habite. Je me sens aussi impuissante qu’elle. Elle a perdu toute dignité, plus aucun geste de tendresse, plus aucune reconnaissance de la part d’aucune personne. Elle est effondrée et noyée dans l’alcool mais il lui reste ce petit geste, celui qui peut lui sauver la vie ici ou ailleurs, ce petit index levé vers le ciel et deux petits mots qui effleurent ses lèvres : « Numai Domnul… » (Seulement Dieu)