Notre besoin d’être sauvé
Par sa présence, Aude accompagne Pani Tania dans les derniers jours de son mari à l’hôpital. Cet événement lui permet de méditer sur cette ardente et craintive attente.
Il y a eu d’abord notre voisin qui est mort d’un AVC. Un soir rentrant de la Liturgie, je vois pas mal d’agitations dans l’entrée de notre immeuble: l’ambulance venait de chercher pan Genia et sa femme, pani Tania (qui a de très grandes difficultés à marcher) était là toute perdue avec les voisins d’en face un peu paniqués aussi. Ils me demandent d’appeler un taxi pour que Pani Tania puisse rejoindre son mari à l’hôpital. L’attente n’est pas très longue: j’aide Pani Tania à monter dans le taxi et elle me demande aussitôt de l’accompagner. Nous rejoignons l’hôpital et retrouvons très vite son mari aux urgences, laissé là sur sa civière, inconscient, respirant très fortement. S’ensuit les démarches pour l’hospitalisation qui ne furent pas trop longues, mais surtout la course à la pharmacie pour acheter tous les médicaments (ici rien n’est fourni, il faut tout acheter jusqu’aux seringues, aux alèses, etc.).
Longs couloirs sombres et malpropres, petites chambres à quatre avec les familles qui veillent leur malade, inertie du personnel (les salaires sont tellement misérables et les moyens pratiquement inexistants) : tout d’un coup, une chape de plomb me tombe dessus (les lieux sont tellement déprimants), mais je regarde pani Tania qui attend, assise dans ce long couloir vide, toute perdue, n’osant même plus s’approcher de son époux. J’aide l’infirmière et l’aide soignante à mettre pan Genia dans son lit, cela me laisse ensuite le temps de prier pour lui, de poser ma main sur son front, de le bénir pour ce dernier passage… Il mourra deux jours après sans avoir repris connaissance.
L’enterrement fut très simple et digne: il y a le dernier au revoir au défunt avant de fermer le cercueil, où chacun pose un geste, s’incline humblement, le rituel pour les défunts si beau dit avec foi par le prêtre grec-catholique. Je dépose mon chapelet entre ses mains, notre voisin se met à sangloter, pani Tania reste toujours si silencieuse, ses yeux se remplissent parfois d’une grande tristesse mais aussi de reconnaissance pour tous ceux qui l’ont aidée, elle si seule (sa seule fille, ses petits et arrières petits-enfants sont loin en Crimée, impossible de venir).
Il y a eu aussi l’annonce de nombreux décès d’amis d’autres Points-Cœur (des morts tragiques et la mort de saintes personnes): tous nous touchent profondément. Je pense de plus en plus souvent à cette «heure» où tout sera vraiment remis — à l’accomplissement de cette heure, comme l’attente de toute notre vie. Le Christ en est le but heureux, la plénitude dans laquelle toutes les créatures accomplissent leur retour définitif vers Dieu. C’est une ardente et craintive attente…
Comme le dit si bien une amie de Genève, ces évènements sont aussi le vif rappel de notre besoin d’être sauvé. « La croix est plus que jamais liée au mystère de l’Incarnation. La croix et la joie de la Résurrection vont de paire : Viens Seigneur Jésus, viens nous sauver ».