Les débordements de joie

Noël à Kasimode fut une journée magnifique, bien chargée, mais pleine de la joie des nombreux enfants qui nous entourent. Après la belle messe de minuit à la paroisse, et quelques heures de repos, nous avons entamé une grande procession dans les nombreuses ruelles du quartier, avec Mauritz en Père Noël distribuant les bonbons, et Jarek, Daniel et moi en habits des Rois Mages, chantant des chants de Noël et lançant des « Happy Christmas ! » de rue en rue. Une troupe de joyeux bambins de plus en plus grande nous suivait avec, en tête, la Vierge Marie (la petite Kaveri) portant l’Enfant Jésus et Saint Joseph (Celton), et il fallait aider le bon Père Noël qui ne voyait pas très bien derrière son masque et qui risquait à tout instant de se faire piller sa réserve de bonbons !

Après avoir amené tout ce petit monde au Point-Cœur, nous avons posé l’Enfant Jésus dans la crèche et dit une prière ensemble, puis nous avons partagé le gâteau en chantant « Happy Birthday to You Jesus ! ». Pour le déjeuner, comme à chaque Noël, nous avions invité quelques amis du quartier qui sont seuls ou démunis : John Xavier, Vijay Koumar, Pattam et Mary et une nouvelle famille amie avec deux enfants, Felix et Jessica. Nous avons dégusté ensemble le traditionnel chicken briyani préparé par notre amie Mary. L’après-midi, après une courte sieste, nous avons distribué à nos voisins les sucreries que nous avions préparé au Jardin quelques jours auparavant avec une photo souvenir de notre communauté et nous avons terminé par un jeu de piste-chasse au trésor pour les enfants, qui fut l’occasion d’offrir à chacun un cahier d’école et un stylo ainsi que quelques ballons.

Pour nous aider à éviter les débordements d’excitation et de cris des enfants qui sont toujours difficiles à contrôler en ce genre de circonstances, nous avons maintenant le soutien d’un petit groupe d’adolescents du quartier, tous des habitués de la maison et de nos camps de vacances : Naresh, Deva, Desappan, Vicky, Kumaresh et Vinoth. Ils nous ont bien aidés ce jour de Noël et nous avons partagé quelques moments plus calmes avec eux après le départ des enfants, notamment en finissant ensemble le gâteau et le briyani !

Naresh et Desappan sont en terminale, ce sont aussi les plus fidèles et ils viennent chaque soir devant le Point-Cœur pour discuter (et aussi jouer aux jeux-vidéos sur leurs portables). Deva est voisin et grand copain de Naresh. Il a une situation familiale difficile, n’ayant pas de père et un frère aîné alcoolique, ainsi que deux sœurs aînées non mariées (le mariage d’une fille coûte très cher à la famille, car il faut payer une dote sous forme de bijoux en or). Sa maman est souvent malade et ne gagne que peu d’argent. Il a arrêté l’école avant la fin et travaille comme apprenti mécanicien dans un des nombreux ateliers du quartier. Vicky est en première et est l’aînée de trois garçons. Kumaresh vient moins souvent nous voir chez nous, mais est déjà venu à un camp, il est aussi en première et est ami de Desappan, Deva et Naresh.

Enfin Vinoth qui est une connaissance plus récente mais qui vient très souvent nous voir, est très touchant. Dès le début, j’ai senti qu’il était blessé et qu’il avait des problèmes. En effet, son père qui est pêcheur boit beaucoup et est parfois violent. Il est l’aîné de trois enfants. Il est en première, mais il fait souvent l’école buissonnière et traîne dans les rues. Il est en relation avec un groupe de jeunes plus âgés qui sont des délinquants et qui l’entraînent avec eux. C’est pourquoi, il a touché à la drogue mais il semble aller mieux maintenant. Il a soif d’amitié avec nous.

Son oncle, Sant, qui a un handicap physique et habite juste au-dessus est le père d’Abinesh et de ses sœurs, Toulassi, Roja et Asha, dont je vous ai parlé dans ma lettre précédente (nous les avions aidés à être scolarisés). Abinesh a refait une crise de tuberculose le mois dernier qui l’a obligé à être hospitalisé pendant quelques semaines mais, grâce à Dieu, il va mieux et a repris le chemin de l’école. Les parents inquiets étaient venus nous appeler à l’aide et nous les avons accompagnés dans plusieurs hôpitaux pour qu’Abinesh soit bien soigné. Nous sommes allés le voir à l’hôpital une semaine plus tard et cela nous a beaucoup touchés de voir le papa présent qui avait fait deux heures de son tricycle (véhicule pour personnes handicapées où on pédale avec les mains) pour aller voir son fils malade et le même temps pour revenir chez lui le soir.