Le temps ce don si précieux

« Mon » temps, my precious. Ô combien je hais perdre mon temps !! Et pourtant, si nombreuses sont les opportunités qui me sont offertes de le perdre, ce précieux temps : attendre quatre heures chez le médecin, faire sans fin la queue à la Poste, me réveiller tôt pour accompagner Maria à la banque et l’attendre une heure, laisser passer le temps d’une visite, sans dire un mot chez Pina, qui ne voulait pas parler, attendre Amélisse à la gare, alors qu’elle est arrivée à l’aéroport, accompagner une amie à la mairie, patienter avec elle, puis être gentiment priée de repasser le lendemain. On me rappelle sans cesse que, justement, je suis venue pour le perdre, pour le donner ce temps précieux. Ce temps qui ne m’appartient pas. Je suis venue ici pour tout, TOUT donner gratuitement, en serviteur inutile.

« Maria, Maria, vuoi giocare con me a nascondino o disegnare ? » (Tu veux jouer avec moi à cache-cache ou dessiner ?) En vérité non, j’ai autre chose à faire, et ça, il le remarque tout de suite, et entre alors en « phase de persuasion », avec un petit regard adorable et une bouche en cul de poule : « E dai, ti prego Maria, ti voglio bene, gioca con me ! » (Allez, je t’en prie, je t’aime trop, joue avec moi Marie !) Impossible de dire non. Je m’accroupis provisoirement et commence à jouer avec lui, prête à m’échapper dès qu’il sera de nouveau plongé dans son jeu. Il me regarde fixement, et avec grand sérieux me dit : « Siedi ti (assied-toi). » Et merde, ma stratégie est foutue, je suis repérée. Il me répète : « Siedi ti Maria. » Je continue de jouer avec lui sans m’asseoir, alors, sans ménagement il me fait tomber par terre pour que je sois assise avec lui et que je lui consacre ma personne toute entière. Il a bien compris que je suis là pour lui et sans le savoir, il me rappelle ma mission, et m’apprends à être totalement présente.