La prière de l'enfant
Fidèle amie du Point-Coeur, Narcissa s’approche progressivement du Christ, d’une foi toute pure… et spontanée.
Il y aurait mille manières de la décrire, cette petite voisine tsigane. Délaissée par un père, vivant à l’étranger avec le reste de la famille, mise sous la responsabilité de ses grands-parents malades, du haut de ses six ans, elle apprend à vivre toute seule. Enfin… toute seule ? Non, Dieu merci, le Point-Cœur est juste à côté et est ouvert tous les matins. C’est donc notre plus fidèle visiteuse. Pas nécessairement la plus sage, mais la plus fidèle, pour sûr. Et sa fidélité n’est pas adressée qu’à nous : elle l’est aussi envers Dieu. A force de rester avec nous pour prier le chapelet, de réclamer la messe (en hongrois !) et de bénir tous les repas partagés ensemble, ce petit minois halé, à l’attention très volatile, sait désormais le « Notre Père » et le « Je vous salue Marie ». Tous ces moments spirituels n’étaient peut-être, au départ, qu’une stratégie enfantine pour obtenir le fameux droit sacré de rester un peu plus chez nous. Mais, quand je l’entends prier à présent pour « tous ceux qui sont malades, tous les enfants qui n’ont pas leurs parents, tous ceux qui n’ont pas de maison », quand je vois son regard s’illuminer à la vue d’un prêtre, quand je la vois saluer d’un geste de la main notre prêtre parce que, dans son esprit d’enfant, malgré nos explications, c’est Dieu lui-même, alors mon cœur fond. Sa joie et son désir d’aller le voir, de lui offrir ce qu’elle a dans sa poche ou, de son regard implorant, de recevoir elle aussi l’Eucharistie, j’en suis certaine, c’est la rencontre d’un enfant avec son père.
Cette rencontre ne lui extirpe pourtant pas cette douleur d’abandon qu’elle porte dans son cœur : un jour, lors d’une messe de mardi, jour de la Saint Antoine, Margit lui explique qui est Saint Antoine et lui dit qu’on peut le prier aussi, si on a perdu quelque chose. Narcisa lui répond alors : « Je vais prier alors, parce que moi, j’ai perdu mon papa ». Et, un instant plus tard, montrant à Margit sa dentition toute cariée : « Et j’ai perdu mes dents ». Là, tout l’exercice fut de ne pas exploser de rire ! Il faut croire que cette rencontre ne lui extirpe pas non plus sa spontanéité !