Eugénie, Inde

Koumari

Eugénie nous raconte cette rencontre avec cette femme, Koumari, peu de temps avant son décès. Elle nous fait part de ces derniers moments passés avec elle, de son handicap, de sa dignité.

Certains diront que c’est la Providence, d’autres diront que c’est un heureux hasard. En tout cas, nous étions au bon endroit, au bon moment.

Nos visites de l’après-midi touchent à leur fin. Nous nous apprêtons à rentrer à la maison lorsqu’un homme nous interpelle dans la rue et nous demande de le suivre pour rendre visite à sa sœur malade. Nous avons fait confiance et nous l’avons suivi.

Nous avons découvert cette femme sourde et muette dans cette petite maison. Son estomac et ses jambes étaient gonflés et durcis par sa maladie. Quelle solitude dans cette souffrance qu’elle ne peut exprimer… Elle pleurait de peine mais, chaque fois que son regard croisait le nôtre, un grand sourire illuminait son visage. Elle était tellement heureuse de notre simple présence.
Cette Indienne s’appelle Kumari, et elle fut notre protégée pour les trois semaines qui suivirent. Nous avons essayé de veiller sur elle et de l’aimer jusqu’à la fin avec sa mère et ses voisins. Nous l’avons vu s’éteindre à petit feu. Nous pouvions lire dans son regard son envie de monter au ciel. Chaque visite, elle luttait un peu plus pour rester éveillée. Lors de notre dernière visite, sa mère m’a demandé de l’aider à changer la couverture imbibée d’urine. Je me suis retrouvée face à ce corps nu et malade. C’était à la fois impressionnant et beau. J’ai en effet été touchée par la simplicité de cette demande et l’attention avec laquelle cette maman prenait soin de sa fille, malgré ses propres difficultés physiques.

Ces visites ont été silencieuses mais puissantes par la simple présence de chacune de nous dans cette pièce. Cette femme a souffert de son handicap, de son mariage arrangé avec un homme dépendant de l’alcool, du rejet de ses frères et sœurs, du rejet de son propre fils. Mais, finalement, à l’heure de son départ, elle a été aimée et entourée. Kumari est partie dans la paix et dans la dignité. Maintenant, c’est elle qui veille sur nous depuis là-haut avec son grand sourire.