Armelle, Uruguay

El campamento

Armelle nous raconte dans ce récit les camps avec les jeunes filles de son quartier, un camp pour apprendre à les aimer en suivant l’exemple de ses sœurs de communauté.

Cet été en février, nous avons eu la joie de pouvoir organiser deux camps d’été, un pour les garçons et un pour les filles. Nous sommes allés à la Floresta, une station balnéaire à l’est de Montevideo. La préparation fut intense : trouver un thème, des activités, établir un budget, un programme, penser aux menus… Quelle frénésie les derniers jours avant le camp !

Au cours du séjour, les filles apprirent à se connaître et créèrent de belles nouvelles amitiés. Il y eut aussi quelques crêpages de chignons… A certains moments, ce fut un vrai défi pour moi de garder mon calme… Mathilde me dit : « Parfois le comportement des filles me fait mal : leurs insultes, la violence de leurs mots… Mais plus encore, c’est la violence de leur réalité qui me fait mal. Toutes les souffrances qu’elles ont vécues ou qu’elles vivent en ce moment. »

La réalité du barrio me frappa alors en plein visage. Toutes vivent dans un quartier mal famé, parfois dangereux. Et chacune a ses propres problèmes : tensions dans les relations fraternelles, seule à l’école, perte d’un des parents… Et moi dans tout ça, je n’étais pas venue pour leur faire la morale, leur inculquer les bonnes manières, ou comment être obéissante. Non, j’étais venue jusqu’ici pour les aimer telles qu’elles sont.

Pouvoir observer mes sœurs de communauté, Ana et Mathilde, m’aida beaucoup lors du camp. Que de patience, de concessions, de fermeté et d’amour ! Beaucoup d’amour. Là où je m’arrête souvent dans une relation « donnant-donnant » en amitié, je pus voir la gratuité de l’Amour. Alors que certaines se comportaient parfois de manière exaspérante, je pouvais voir l’amour que leur portaient Mathilde et Ana. Elles ne cherchaient pas à plaire aux filles et à se faire aimer d’elles à tout prix. Elles cherchaient toujours ce dont avait besoin telle ou telle fille et ce qui la ferait grandir : un service à rendre, un rôle important lors d’un jeu, une sanction, un temps calme, un câlin… Toujours dans le but d’éduquer avec amour et patience.

Et que de patience avaient-elles avec Nara ! Nara… Nara a sa manière bien particulière de s’exprimer. Nara ne parle pas, elle crie. A la plage, lors des jeux, dans le dortoir… et même à table, durant le repas. Car Nara tient à ce qu’on l’entende et qu’on l’écoute, en toutes circonstances.

« Nara est un cri » me dit Mathilde, « toute sa vie est un cri ». Cri de révolte contre l’injustice et la violence qui l’entourent, cri d’une personne assoiffée : sa gorge desséchée d’avoir tant crié et son cœur aride, avide d’eau vive. Petit cœur blessé qui crie dans le désert, à la recherche d’une oasis.

Bref, vous l’aurez compris, Nara toute entière est un cri. Cri que l’on a parfois la tentation de faire taire, car il dérange. Cri que l’on tente parfois de couvrir en criant plus fort. Cri qu’il faut écouter et soif qu’il faut apaiser, blessures qu’il faut panser. Et une personne à aimer, Nara.