Ségolène, Chili

Où réside la grandeur de l'homme ?

Ségolène nous raconte cette amitié avec ce couple ami du Point-Cœur. C’est pour elle l’occasion de découvrir une nouvelle pépite dans ce quartier de Valparaiso.

Don Pedro et Señora Aurora sont deux personnes âgées rencontrées il y a quelques mois, par hasard, et qui sont rapidement devenus de grands amis. En entrant dans leur appartement sombre et miteux, nous trouvons une table et deux chaises où ils sont assis, jouant au domino. Une tasse de thé, pleine de toile d’araignée offerte avec un morceau de pain ras- sis. C’est tout ce qu’ils ont, ils nous le donnent. Nous sommes entrés dans leur maison et par le même geste, nous sommes entrés dans toute leur vie : leur relation, leur bout de table, leur pièce, leur chien.

Mariés depuis une trentaine d’années, ça fait vingt-cinq ans qu’ils vivent ici et surtout, vingt ans que Señora Aurora perd la tête. Hallucinations et perte de mémoire forment un beau mélange entraînant parfois des situations assez drôles mais souvent la surprise face à une telle vie. Leurs enfants ne viennent pas leur rendre visite, ne leur téléphonent pas non plus. Ils n’ont pas d’amis, c’est fréquent dans le quartier, les gens se méfient les uns des autres. Nous sommes les seules personnes qui toquent à leur porte.

C’est par la grâce d’une hallucination de Señora Aurora que nous sommes arrivés chez eux. Don Pedro nous a tout de suite accueillis et fait confiance. Lors d’une visite, il nous a raconté à quel point sa femme avait eu une enfance difficile, des parents qui la battaient, un premier mari violent et infidèle, des enfants qui ne se préoccupent pas d’elle etc. Aujourd’hui, j’admire sa présence à côté d’elle, tellement fidèle. La conversation tourne en boucle, ils ne peuvent pas sortir, elle s’échappe pour parler aux voix qui viennent toquer à la porte… Ils jouent aux dominos toute la journée pour entretenir la mémoire, du moins le peu qu’il en reste. « Tous les jours, j’essaye de l’aimer comme elle est digne d’être aimée. »

Don Pedro est pour moi l’exemple parfait de l’homme humble et sage. Il n’a jamais étudié et n’est pas un grand intellectuel. Pourtant il a une très grande conscience de la vie humaine. « Qu’est-ce qui est la grandeur de l’homme ? » nous a-t-il demandé la dernière fois. Et de répondre aussitôt : « Sa capacité à avoir compassion de l’autre. »