Aymeric, Inde

Le chemin de l'amitié

Aymeric présente son ami Maran qui vit au Jardin de la Miséricorde depuis quelques années. Il contemple le chemin parcouru par cet homme depuis leur première rencontre.

Je voulais vous parler de mon ami Maran, qui vit au Jardin depuis 5 ans déjà. Entre le moment où nous sommes allés le voir chez lui la première fois en 2011, si seul et si déprimé, et aujourd’hui, que de chemin parcouru dans l’amitié, que de changement !

Maran ‘Anna’, comme je l’appelle, c’est-à-dire « grand frère » en tamoul, a 49 ans. Il est très souriant, aime plaisanter et est très heureux au Jardin. Il a traversé un long tunnel noir à partir de son accident de travail en 2002 qui l’a laissé amputé d’une jambe et en crise avec sa famille, jusqu’à son arrivée au Jardin en 2015.

Bien qu’hindou, il aime venir à la messe le matin et réciter le chapelet en tamoul avec nous. A l’heure du thé, après le chapelet, nous avons un petit rituel que nous pratiquons depuis que nous le connaissons : nous trinquons en disant « chaiche ! », c’est sa façon à lui de dire « cheers ! », ça lui fait plaisir et nous fait rire tous les 2. Il connaît quelques mots d’anglais et quand il parle en tamoul avec l’un ou l’autre, il fait de l’humour en corrigeant son interlocuteur pour dire le mot en anglais.

Il aime aider à la cuisine et y passe une bonne partie de ses journées, coupant les légumes, discutant avec les cuisiniers. Il s’est spécialisé dans la préparation des noix de coco, ingrédient qui entre souvent dans la composition des plats, comme le « coconut chutney » ou le « kourouma ». Il s’installe alors sur le muret du vestibule avec ses 4 ou 5 grosses noix de coco, cueillies dans nos cocotiers, enlève d’abord la bourre épaisse et fibreuse à l’aide d’un outil, puis casse la noix de coco avec une sorte de crochet spécial, qui lui sert après à entailler et retirer les morceaux de chair blanche, tandis que j’accours si je suis dans les parages pour boire le délicieux lait de coco sucré !

Après le thé de 4h, il aime lire le journal en tamoul et je m’exerce à le lire un peu avec lui, en lui demandant le sens des nombreux mots inconnus. Il se déplace avec un déambulateur, bien que nous lui ayons trouvé une prothèse adaptée il y a déjà plusieurs années, car il fait un blocage psychologique malgré nos nombreux efforts pour l’inciter à l’utiliser.

Père Olivier et moi connaissons bien sa famille vivant à Kasimode, et nous allons régulièrement la visiter quand nous sommes à Chennai : sa femme Lakshmi et ses deux enfants Nanda Koumar et Kirtana, qui sont actuellement étudiants. Maintenant, avec le confinement, nous les appelons au téléphone pour avoir de leurs nouvelles et permettre à Maran de parler avec eux. Récemment, il était très affecté par le décès de sa belle-mère qui était aussi sa tante (les mariages entre cousins sont très courants au Tamil Nadou), bien qu’elle fût au cœur de son conflit entre lui et sa famille.

Maran a aussi une belle amitié avec Dorothy, il l’aide à cuisiner et à préparer la chapelle avant la messe, mais Dorothy est rentrée chez elle à Chennai pour être avec sa famille. C’est donc avec Sathish qu’il est maintenant devenu ami.